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10 juillet 2018

Préparation mentale au Rugby, mais à quoi bon ?

On parle de plus en plus du « mental » dans le rugby. Certains joueurs font appel à des préparateurs, d’autres sont bien plus méfiants. On a cherché à en savoir plus. Décryptage.

La préparation mentale des sportifs de haut niveau et notamment dans le monde de l’ovalie peine encore à trouver sa place. Car si ce métier est répandu dans les pays anglo-saxons, il reste encore « confidentiel » en France. La préparation mentale dans le rugby se professionnalise et adopte aujourd’hui une approche systémique même si nos rugbymen se méfient de cette dernière car ils n’en connaissent pas les tenants et les aboutissants. Peut-être pensent-ils qu’ils vont être manipulés ou que le coach mental va prendre possession de leurs cerveaux ? Nous manquons clairement d’ouverture d’esprit dans ce domaine même si les mentalités commencent à bien évoluer…

Longtemps décriée et vue comme une part d’ombre nébuleuse sur l’athlète et plus particulièrement le joueur de rugby, la préparation mentale s’invite de plus en plus au sein des équipes professionnelles de rugby. « La multiplication des formations en coaching et préparation mentale, délivrée par des universités, des organismes privés et même des clubs professionnels, a permis de démystifier cette discipline. L’invasion des professionnels de la préparation mentale, dans les médias, émissions télévisées, radios, presse écrite a apporté également un crédit, une ouverture aux concepts, aux outils de la préparation mentale, générant moins d’appréhension de la part des sportifs professionnels et de leurs encadrants », constate Jean-Marie Miralles, coach et préparateur mental chez J2M Coaching.

A chacun sa place

Certes, la stratégie de jeu, le maintien d’une condition physique optimale sont des éléments majeurs dans la performance d’une équipe de rugby, et la préparation mentale en est le pendant nécessaire, incontournable aux actions menées par les entraineurs et les préparateurs physiques.

Tout est affaire de périmètre: à chacun sa place, à chacun son champ d’actions. Les réticences des dirigeants, des entraineurs des équipes sont bien souvent générées par le non-respect de ces espaces. Grâce à des entrevues, au dialogue, aux échanges avec les équipes encadrantes des clubs pros, le préparateur mental construit une base, une assise solide et efficace de sa place et de son rôle au sein du club. Sans une volonté affichée de la part de l’entraineur, du préparateur physique, des dirigeants, sans un accord tacite entre tous ces intervenants rayonnant autour des joueurs, les actions menées collectivement ou individuellement par le préparateur mental ne peuvent pas se déployer avec une efficacité optimale.

Voilà les premières démarches effectuées par Jean-Marie Miralles lorsqu’il arrive pour la première fois dans une structure avant de se pencher sur le travail de fond.

Mais il ne faut pas omettre de citer aussi la notion de « volontariat » qui est aussi un facteur déterminant dans la réussite de la mission du préparateur mental. Chaque dirigeant de club, joueur, entraineur peut s’engager ou non dans la démarche vers la préparation mentale. Michael Camardèse, coach certifié, rejoint son confrère sur ces points. « La base de la préparation mentale d’une équipe commence avant le vestiaire pour s’y prolonger: renforcement de la cohésion du collectif, rituels et causeries d’avant-match, exercices respiratoires propres au groupe et longuement travaillés aux entraînements. Nous analysons un geste technique particulier. Nous étudions toutes les façons qu’ont les joueurs pour le réaliser et décidons ensemble de l’épurer, jusqu’à ce qu’il soit parfaitement efficient. Il est travaillé encore et encore, comme s’il était vu pour la première fois. Nous créons ainsi une routine automatique, mobilisable en cas de trou d’air lors d’une rencontre. Le collectif se retrouve autour d’un succès lié à cette séquence de jeu. Le complément de la préparation mentale est ensuite individuel. Il repose essentiellement sur de la visualisation. Mais pas seulement… Elle s’associe à un renforcement de l’intelligence émotionnelle, qui complète cet entraînement intérieur. Cette approche est similaire à celle employée par les pilotes de chasse avant vol ».

La causerie d'avant-match par le capitaine, cruciale dans la préparation mentale

La préparation mentale ne « guérit » pas tous les maux

« Se dévoiler, laisser transparaître ses failles mentales n’est pas chose aisée pour un joueur pro, toujours sur le qui-vive, toujours sous pression de perdre sa place dans l’équipe première », souligne Jean-Marie Miralles. C’est en cela aussi que le préparateur mental trouve une vraie place au sein du groupe d’encadrants d’un joueur. Le joueur, grâce à la confidentialité des échanges, pourra se livrer plus aisément, exprimer librement ses besoins, ses problématiques sans redouter de générer chez l’entraineur des interrogations sur le niveau de performance de son joueur. A l’instar d’un préparateur physique qui travaillera sur le développement des capacités du corps, de l’entraîneur qui amène le joueur à développer son jeu technique et tactique vers l’excellence, le préparateur mental amènera le joueur à dépasser, à lever ses freins psychologiques grâce à des outils de coaching et de préparation mentale. « En fait, je leur pose plus de questions que je ne leur donne de réponses. On passe les trois-quarts du temps à évoquer leurs situations présentes et futures et très peu de temps à parler de leur passé. C’est à eux d’aller chercher au fond d’eux-mêmes ce dont ils ont besoin pour réussir », nous révèle Jean-Marie Miralles.

L’athlète doit bien se sentir dans sa peau afin d’optimiser son potentiel et se concentre sur son but à atteindre. « Ma démarche a pour objet d’aider le sportif à mieux aborder la compétition, à supporter le stress, à le galvaniser et à utiliser ses propres atouts en tenant compte de sa personnalité et de son vécu. Voilà mon rôle », dit Jean-Marie Miralles. Le respect du périmètre de chacun, la confidentialité, une démarche volontaire, l’envie, mais après ça… Il ne faut pas oublier que le mental ou la préparation mentale ne « guérit » pas tous les maux.

Jean-Marie Miralles et Michael Camardèse entendent souvent: « c’est mentalement que ça ne va pas ». Mais qu’est-ce que l’on veut dire exactement ? Communément, « être performant » est affaire de puissance physique, de technique et tactiques de jeux. Le coach-préparateur mental, grâce à des outils de diagnostic, apportera au club un « état des lieux » individuel et collectif du mental des joueurs, de l’équipe. Il aidera les équipes encadrantes, entraîneur, préparateur physique, directeur technique à rendre son équipe « mentalement performante ». Il travaillera de façon à amener ces compétences techniques, tactiques, physiques au meilleur niveau au bon moment. Le mental deviendra alors un support, un booster des compétences. Chaque joueur, devenu performant individuellement, apportera à l’équipe sa force, sa puissance mentale et rendra alors son équipe performante collectivement.

Intervenir, mais à quel moment ?

Quant au timing, à quel moment doit intervenir le préparateur mental ? « Il n’y a pas de règle, ceux qui le disent se trompent. Certains diront que le préparateur mental a sa place lors du foncier, de la semaine de cohésion, d’autres préfèreront utiliser les compétences du préparateur mental en ‘one shot’ afin de redynamiser mentalement l’équipe. Il n’y a pas de méthode officielle, de timing parfait. Le préparateur mental adaptera ses actions, ses outils en fonction de la problématique de l’équipe, de l’évolution de la saison de rugby », répondent Miralles et Camardèse.

« Il n’y a pas de vérité comme nous n’avons pas de baguette magique », ironisent les coachs. « Chaque personne possède en elle toutes les ressources nécessaires pour atteindre ses objectifs. Néanmoins, bien souvent, elle n’en est pas consciente voire elle se met elle-même des barrières qu’elle pense infranchissables », constatent également les deux acolytes. Le préparateur mental a pour rôle de faire émerger de la personne les ressources utiles et nécessaires à l’atteinte de son (ses) objectif(s), tout en l’accompagnant dans la mise en place son propre chemin pour l’atteindre, en le laissant maître de ses choix et en lui permettant de devenir autonome.

Nous n’avons volontairement pas abordé le sujet financier car il nous est difficile de pouvoir donner un montant bien précis pour chaque intervention car les clients, les prestations, les contenus et les durées sont différentes. Ce que gagne un coach-préparateur mental est aléatoire et chacun pratique ses tarifs forfaitaires. Aujourd’hui encore, l’image véhiculée par ce métier est souvent galvaudée par des personnes mal attentionnées, perçues comme des gourous, promettant victoires et médailles à la suite de leurs interventions. La médiatisation, la démocratisation de cette discipline permettra de faire oublier ce passé peu glorieux et donnera ainsi à la préparation mentale de trouver la place qui lui revient dans les clubs pros de rugby.